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Amour Celluloïde
26 septembre 2011

Un Amour de Cité

Toujours d'Angleterre un film romantique bien plus contemporain dans son esprit: Beautiful Thing de Hettie Macdonald (1996) est en effet une histoire d'amour entre deux jeunes gays de Thamesmead, une ville nouvelle de la banlieue de Londres célèbre pour ses apparitions dystopiques dans l'Orange Mécanique de Kubrick et de la vidéo de Come to Daddy d'Aphex Twin. Mais ici rien de menaçant car c'est le début des vacances dans la cité, les ados barbotent gaiement dans le grand lac artificiel et les habitants font des barbecues sur leurs terrasses. Entre Jamie (Glen Berry) et Ste (Scott Neal) en revanche c'est plus compliqué: tous deux issus de familles monoparentales dans le même immeuble ils sont voisins depuis l'enfance et se découvrent subitement un amour irrésistible alors que Ste, battu par un père ivrogne, trouve refuge chez son ami. Une scène de massage (très pudique) avec lotion Body Shop marque le point de départ d'une histoire compromise par la résistance du milieu familial - Sandra (Linda Henry) est magistrale dans sa dépiction des terreurs d'une mère face à l'homosexualité de son fils -, la pression de la communauté et la confusion de Ste sur ses véritables sentiments (celui-ci fait partie d'une bande locale de jeunes mecs contrairement à Jamie qui n'aime pas le foot et reste cloîtré dans sa chambre). Mais l'amour regagne ses droits dans la scène finale du film (un slow de Ste et Jamie au coucher du soleil au vu et au su de toute la cité alors que Sandra fait de même avec sa voisine Leah...) avec l'acceptation de soi et d'autrui en point d'orgue d'une comédie bittersweet et désopilante dans sa gouaille toute cockney. On a souvent décrit Beautiful Thing comme un feelgood movie - ce qui signifie sans doute que tout film sur l'homosexualité doit nécessairement finir dans le drame et le malheur. Mais au-delà de ça c'est sans doute le contexte social de l'histoire qui la rend encore plus pertinente: située dans un milieu working class dans une cité connue pour son immensité tentaculaire elle met en scène deux boys next door (pour ainsi dire) qui dans leurs vies ordinaires (école, copains, pubs) n'ont rien de particulièrement fantastique - pas d'artiste torturé ou de personnalité d'exception ici. C'est cette articulation de la sexualité aux problématiques de classe sociale qui est remarquable dans ce film et feelgood movie ou pas, il n'en soulève pas moins certaines questions de visibilité/invisibilité de minorités dont la voix est sans écho dans la culture gay dominante (blanche de classe moyenne). De même il illustre les stratégies de résistance et de 'camouflage' de deux jeunes gays dans un milieu social où comme partout ailleurs l'homosexualité peut être source de rejet. Mais élémentairement Beautiful Thing est l'histoire de la genèse d'un désir dans un cadre urbain rendu féérique par une lumière solaire permanente, une bande originale presque entièrement constituée de chansons de Mama Cass et le sentiment un peu triste d'une jeunesse perdue qui aurait aussi pu être la nôtre.

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